Jean Beaudet Michel Ratté Frédéric Alarie

« La liberté de l’imagination qui fixe le mouvant et meut le fixe peut trouver une expression très dense dans la musique et particulièrement dans la musique improvisée collective. Notre groupe d’improvisation reconnait cela et se consacre à l’ expression de cette imagination libre plutôt que d’espérer - et de succomber à la tentation de provoquer- l’avènement d’heureux hasards. Nous comprenons qu’il soit tentant de s’abandonner au flux de la musique improvisée comme à un chaos qui fournira des occasions surprenantes de relancer le cours de la musique. 

Cela a d’ailleurs été une voie privilégiée dans l’histoire de la musique improvisée. Cependant, ce n’est pas ce qui motive principalement le cours de notre musique. 

C’est davantage l’équivoque immédiate du sens de chacune de nos interventions concrètes dans l’épaisseur contextuelle du présent vif de la musique.

 Cette équivoque fait de la continuité de notre musique une expression d’exigence de révision continuelle de nos projections. Nous donnons à nos dispositions à imaginer une responsabilité folle, mais bien encaissée par sa spontanéité intrinsèque. 

L’analogie qui convient peut-être le mieux pour comprendre de quoi nous parlons pourrait être la suivante. Donnez-vous l’idée que vous seriez les participants à une joute extrêmement vive de « roche-papier-ciseaux » où toute concurrence disparait devant la contrainte d’avoir à tenter de déchiffrer instantanément le sens et la valeur relative de nouvelles figures – autres que celles qu’on nomme « roche », « papier » et « ciseaux », justement -produites par chacun.

Cela dit, il serait injuste de penser que cette musique manque nécessairement de cohérence. Elle exprime plutôt tout le soin qu’on peut prendre pour s’en assurer avec les moyens spontanés de l'imagination ainsi que ce qu’offre concrètement à chaque instant la musique elle-même. »